À lisotter

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Blason de l'auteur
Régine Detambel
Blason de l'auteur
Texte (très) court

Date : 2010
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Présentation

Blason de l’auteur

© Régine Detambel

Puisque le casque et l’armure les rendaient méconnaissables, les chevaliers d’autrefois avaient besoin de blasons pour se reconnaître sur les champs de bataille. Pour créer leurs armes, dentelées, crénelées, écartelées ou frettées, ils tenaient d’abord devant eux un écu d’argent, blanc et plat, sur lequel pleuvaient les coups. On se dessinait un blason en fonction des coups reçus, de la forme des impacts, du sens des chocs, de leur répétition et de leur insistance, ici ou plutôt là. On organisait les crevasses et les bosses en figures géométriques et le blason finissait par montrer assez bien comment le chevalier avait coutume de se présenter, non seulement dans la bataille, mais aussi dans la vie. Face au monde, quel côté montrait-il sans cesse, quelle faiblesse gardait-il contre lui ?
Sur le bouclier de notre peau, les cicatrices sont les incarnations écailleuses de nos expériences. Nous connaissons le monde comme nous découpons, contre lui, notre défroque. L’enfance intrépide et l’écriture sont, à leur manière, des tournois spectaculaires et silencieux. Si on y accomplit d’authentiques exploits, c’est en solitaire et contre soi-même. Les cicatrices — ou les ratures sur l’accueillant papier — sont là pour initier à l’héraldique. Elles sont de petites forges où chacun travaille les émaux, les métaux et les signes qui feront ses armoiries afin de pouvoir mieux, tout à l’heure, se garder à droite, se garder à gauche. Parce que chacun, griffonnant les marges de sa peau ou son cahier de brouillon, est son propre héraut qui raconte comment et où portèrent les marques, à chaque fois que la vie a cogné.