Un peu de théorie

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Breton et sa grande inconscience

Présentation

Breton et sa grande inconscience

« Seule l’inspiration commande, de nuit comme de jour. (…) C’est la grande inconscience vive et sonore qui m’inspire mes seuls actes probants, dispose à tout jamais de tout ce qui est moi. Je ne veux encore une fois ne reconnaître qu’elle, je ne veux compter que sur elle et presque à loisir parcourir ces jetées immenses, fixant moi-même un point brillant que je sais être dans mon œil et qui m’épargne de me heurter à ces ballots de nuit… » (André Breton)

Jacques Vaché écrit « Pohète », caricaturant ainsi la grandiloquence du prophète, du vates, qu’il allait s’agir de découronner et de jeter à bas de son piédestal. La Muse est donc destituée puis Breton la recouronnera, comme « grande inconscience » inspirante. Par le Surréalisme, renaissance acceptée et consacrée de la Muse. Mais cette fois, elle ne vit plus sur les cimes du Parnasse, mais au cœur du hasard, d’un certain hasard. Personne en ce temps n’écrit plus au hasard, les romanciers sont sévères et sérieux, ils pensent à construire leur œuvre, à faire bouillir la marmite. Plus de hasard puisque la vision de l’œuvre les poursuit, puisque s’y subordonnent toutes choses. Le but est précis, tout converge comme vers une commande… Adieu les refrains jetés au vent ! Breton sait que le hasard peut devenir un grand artiste, la patine n’a pas été inventée par l’homme. C’est l'époque intuitive du surréalisme et l’évaluation expérimentale des pouvoirs du langage exercé sans contrôle, dans les textes « automatiques » où la fulgurance des images était le résultat d'une technique, d'une pratique modulée de la vitesse d'écriture notamment. Cette « pensée non dirigée » éclatait aussi dans les sommeils hypnotiques, les récits de cauchemars, les simulations de délires. Ce fut une épidémie de sommeils, une vague de rêves.
L'au-delà, tout l'au-delà est dans cette vie, disait-on. On cherchait ce point de l'esprit d'où la vie et la mort, le réel et l'imaginaire, le passé et le futur, le communicable et l'incommunicable, le haut et le bas cessent d'être perçus contradictoirement. On tente d'échapper aux contraintes de la « pensée surveillée ». Écrivons sans sujet préconçu, sans contrôle logique, esthétique ou moral. Laissons s'extérioriser ce qui, en nous, tend à devenir langage, et s'en trouve empêché par notre censure consciente. Telle est l'écriture automatique par laquelle le surréalisme prétend libérer et manifester le discours caché qui nous habite et nous constitue.
De la mise en jeu du hasard d’une Muse de hasard, on attend la révélation, ou l'illumination. Il faut pouvoir conférer un sens à n'importe quel rapprochement. Le point de départ est donc objectif et arbitraire : découpages, collages. On revient au temps de l’objectivité, quand le dieu soufflait dans le tuyau sonore qu’était la Pythie. On tue le « démon personnel » cher à la Renaissance. Le surréalisme est un véritable « procès de la personnalité », il déclare qu'au terme d'une évolution comprenant Marcel Duchamp, Arthur Cravan et Francis Picabia, « l'art a véritablement cessé d'être individuel ».