Un peu de théorie

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Enseigner la poésie

Présentation

« Si l’enseignant ignore quelle est la fonction de la poésie à l’école, s’il en accepte une interprétation routinière, il se livrera, en la lisant et en l’expliquant à la lettre, à un effort inutile, rendant injustifiée aux yeux de ses « barbares » élèves l’opération poétique, ce produit si noble de la civilisation. Si donc, de cet examen négatif se dégagent, au moins en partie, les valeurs à découvrir dans la lecture à l’école d’un texte poétique, valeurs qui sont surtout celles de l’exemple (un texte devient une monade dans laquelle se concrétisent et trouvent une forte vie fantastique de grands thèmes culturels et psychologiques), il est clair que l’on veut donner à l’étude de la poésie un caractère critique, tout au moins in nuce. En termes pédagogiques, cette étude est étroitement complémentaire de celle de la grammaire et de la syntaxe : mais c’est un exercice de plus haut niveau. Voilà que s’éclaire alors la fonction de la poésie à l’école, en tant que conscience linguistique, initiation à l’invention, après la clarification grammaticale, syntaxique et phraséologique de l’institution linguistique, de l’inventum. Mais si l’on tient compte du fait qu’à chaque approfondissement sentimental, à chaque découverte intérieure correspondent un approfondissement et une découverte linguistique, et vice-versa, on comprendra quelle importance ultérieure peut avoir une poésie dont le fonctionnement soit ainsi compris, quand il parvient à mettre en mouvement le mécanisme mental qui conduit de l’introspection à l’expression, et vice-versa. C’est là une tâche pédagogique précise, je dirai même prophylactique, si le résultat en est une prise de conscience, un dépassement de l’instinct et de l’habitude, qui amène l’enfant à prendre conscience de lui-même et de son environnement.
Mais quels seront les textes poétiques à lire au collège ? La réponse est simple, si l’on songe qu’ils doivent être surtout enseignement de la langue, exemples de métaphore, de transcription et d’invention ; il faudra donc choisir ces textes parmi ceux des poètes vivants, qui utilisent une langue vivante, non seulement en tant que lexique, mais surtout en tant que conception d’une utilisation expressive, et dans le choix des sentiments à exprimer. En suivant ces bons principes, j’ai obtenu quelques bons résultats dans mon petit collège de Valvasone… »

Pasolini, « Enseigner la poésie » (1947)