Billets du lever

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Annie Dillard et ses bains de pieds

Présentation

Annie Dillard et ses bains de pieds

Souvent l’écrivain prend plaisir à marcher sa pensée, dans sa chambre ou dans la campagne. Gesticulant et mimant, il se frotte les mains, se promène de long en large, bat la mesure, grommelle. Et, peu à peu, sous cette impulsion régulière, le flot des paroles et des idées commence à jaillir. Pas de spiritualité sans la fête des muscles. Ecrire, c’est jouer à grimper l’escalier quatre à quatre. Enfant, tout le bonheur résidait dans les cuisses. Rimbaud aussi était un marcheur : « Par les soirs bleus d'été, j'irai dans les sentiers... ». Les cent pas, le va-et-vient, et surtout, être assis le moins possible. Seules les pensées qui vous viennent en marchant ont de la valeur, disait aussi Nietzsche.

Mais cette joie musculaire n’est pas du goût de Annie Dillard, dont je relis, toujours aussi amusée, En vivant, en écrivant : « Avec quel plaisir je me rappelle avoir pensé, jadis, que pour écrire on a besoin de papier, d’un crayon et de ses genoux. Et quelle horreur fut la mienne en découvrant que, pour écrire ne serait-ce qu’un sonnet, on a besoin d’un entrepôt. Tu peux facilement te retrouver si dérouté en écrivant un chapitre de trente pages qu’afin de préparer le plan du deuxième jet, tu aies besoin de louer une salle. J’ai souvent ‘écrit‘ avec l’aide mécanique d’une table de conférence longue de sept mètres. Tu disposes tes feuilles le long du bord de la table et tu arpentes ton travail. Tu longes les rangées ; tu arraches quelques mauvaises herbes, tu déplaces quelques plants, tu creuses à certains endroits, penché au-dessus des rangées, les mains pleines comme un jardinier. Deux ou trois heures plus tard, tu as fait une marche excessivement lugubre de quinze kilomètres. Tu rentres chez toi et prends un bain de pieds. »

6 novembre 2011