Propositions d'écriture

Propositions d'écriture

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Proposition liminaire

Présentation

Pierre Ménard propose un atelier d'écriture inspiré de mon Petit éloge de la peau.
On peut également accéder à cette séance sur LIMINAIRE, son très riche site.

Séance 187
Proposition d’écriture : Faire l’éloge d’un sens, d’une partie du corps humain, brèves variations et fragments mêlés de témoignages médicaux, d’anecdotes littéraires, artistiques ou historiques, de souvenirs personnels, de dictons, de citations, d’aphorismes, de réflexions poétiques saisissant les mystères du corps humain dans le contexte singulier de sa sensualité.

Petit éloge de la peau, Régine Detambel, Éditions Gallimard, Collection Folio, 2007.

Présentation du texte : « La peau est notre interface entre le dehors et le dedans, écrit Régine Detambel. De tous les organes des sens, c’est le plus vital. Car on peut vivre aveugle, sourd, privé du goût et de l’odorat mais, sans l’intégrité de la peau, on ne survit pas. »
Telle une joaillière attentionnée, Régine Detambel a recueilli des textes et des citations concernant ce tissu essentiel à notre vie. Son œuvre avait déjà exploré les os de notre corps dans La ligne âpre, les stigmates de surface dans Blasons d’un corps enfantin, la sensualité dans ses poèmes d’Icônes ou d’Émulsions, la peau comme écritoire dans Pandémonium où une mère écrit sur la peau de son fils les mots d’amour qu’elle envoie à son amant qui lui répond de la même manière.
Régine Detambel nous révèle dans cet Éloge mille facettes : les mues, les Nus et crus, les taches et les tabous, la Peauésie… et ses recherches sur la peau en littérature nous renvoient à Huysmans, Valéry, Flaubert, Kafka, Segalen…
« Ce qu’il y a de plus profond dans l’homme, c’est sa peau », écrivait Valéry.

Extrait : « Qu’on pense seulement quelle activité vigoureuse, sinon violente, il fallait déployer autrefois pour marquer cette surface physique qu’est la peau d’un animal. Il fallait la briser, la malmener, la blesser pour ainsi dire, avec un instrument particulièrement pointu. L’écrivain attendait au-dessus d’un macchabée de bestiau que la visible enfin se libère. Et tout projet d’effacement impliquait qu’on malmenât plus encore la surface : les scribes médiévaux, dans leur effort pour effacer les parchemins, devaient recourir aux pierres ponces et autres grattoirs. L’écriture représentait donc toujours un exercice physique éprouvant - écorchant forcément la surface sur laquelle il se pratiquait. Ecrire procédait d’une chirurgie invasie. L’écrivain était un bon boucher.

J’écris à l’écran, je n’ai plus besoin de toucher pour sentir, j’effleure seulement. Mon écrit est de la graine de traces. Il est eau. L’écriture aujourd’hui, moderne poétique de la peau, n’écorche plus le papier. Fi des parois scarifiées. Elle se tient loin du manuscrit, du parchemin, de cette peau de veau mort-né, encore sanguinolente, dont le vélin tira sa palpitante origine. Elle n’est plus une écriture mordeuse de chair, qui tatoue le texte sur la peau des livres - et c’est pourquoi d’ailleurs elle se mémorise si mal.
Elle dit qu’il n’est plus nécessaire de faire saigner la peau pour que l’écriture suinte vive, elle procède virtuellement, elle s’inscrit à l’écran liquide.
L’écriture est bain. »