Billets du lever

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Au pilon électronique

Présentation

A une journaliste du magazine Lire qui m'interrogeait sur le projet ReLire… En effet dix-sept de mes livres publiés avant l'année 2000 sont épuisés.

C'est que je n'ai en effet pas grand-chose à vous dire sur le sujet… et mon souhait de discrétion masque (mal, puisque vous me relancez) un réel manque d'intérêt pour le dispositif ReLire en ce qui concerne mon oeuvre propre.
Disons, pour aller vite, que depuis mon premier ouvrage publié (L'Amputation, chez Julliard, sous l'égide de Christian Bourgois et Elisabeth Gille, en janvier 1990), j'ai choisi pour mot d'ordre éthique le brûlement des vaisseaux. Je ne garde jamais rien, ni manuscrit, ni documentation, ni press-book, je brûle mes vaisseaux, je déteste regarder ou revenir en arrière, c'est ma vision de l'existence, ma vision de l'écriture donc.
Seul le livre en train de s'écrire m'intéresse, justifie que je m'y jette ou que je m'y emploie. Le reste n'a aucune signification pour moi, et un roman que j'ai écrit (c'est-à-dire un roman que j'ai été) il y a plus de vingt ans me fait à peu près l'effet des mêmes pages de journal intime : plaisant, jauni, révolu, tremplin, carrefour, autres moeurs… Une autre époque, une autre histoire, qui n'est plus la mienne. Et je n'ai donc pas du tout l'impression, comme d'autres auteurs (dont je respecte le sentiment de dépossession, bien que pour
ma part je ne le ressente pas) qu'on me vole mon bien. C'est du passé, ces livres ont fait leur temps, ils ont vécu leurs huit semaines sur les tables des libraires, et je ne vois pas ce que je pourrai en attendre de plus.
Le bon, le germant, le fort, s'il y en avait, s'est forcément retrouvé dans le livre suivant… Je n'ai rien perdu. Je ne perds rien. Perception valéryenne du livre publié comme coquille, forme abandonnée derrière soi…
Pour répondre très précisément à votre question, je ne refuserai pas à ces dix-sept fantasmes le droit de revenir hanter ma bibliographie ultra contemporaine… mais je sais déjà que la Sofia prendra soin de ces dix-sept souvenirs bien mieux que moi, qui refuse de les considérer comme un patrimoine.