Billets du lever

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Matérialité du numérique

Présentation

Réponse à la médiathèque de Quimperlé, partenaire de l'opération "100 bibs, 50 epubs"*, qui m'a posé une bien curieuse question, comme si parler du corps en numérique était un paradoxe… 

Médiathèque : Pourquoi vous intéressez-vous à l'écriture numérique alors que précisément le corps et sa matérialité est un thème très fort dans votre travail d'écrivain ?
RD. "Il ne faut pas confondre virtuel et immatériel ! Et je ne trouve pas que le numérique et l'informatique soient dénués de matérialité, bien au contraire.
Je suppose d'ailleurs que c'est le poids de mes fichiers numériques qui m'a encouragée à regarder autrement le manuscrit traditionnel. Car l'internet n'est qu'une autre matérialité, et tellement plus massive… il ne raisonne qu'en poids, en pesanteur, en lourdeur : des kilo-octets, puis des mega, des giga… On n'y voit plus le livre comme un volume (à tous les sens du terme), donc une architecture comptant un certain nombre de pages, foliotages à effeuiller, à la manière des marguerites, mais au contraire comme un poids, une chose pléthorique, telle cette revue littéraire chargée d'images que vous téléchargerez lentement et pesamment, si vous avez la malchance de ne pas disposer de la fibre optique !
Ne trouvez-vous pas que le monde numérique, c'est du lourd ?! D'où Les corpulents, physique des corps graves, recueil de nouvelles que François Bon a bien voulu héberger chez publie.net.

Sinon, pour tenter de répondre plus sérieusement à la question du corps, je dirais que la matérialité du corps n'est pas du tout quelque chose de pesant. Je pense par exemple à cet essai sur la peau que j'ai publié voilà quelques années chez Gallimard et qui m'a bien fait comprendre que notre rapport corporel au monde repose sur la caresse, parfois presque immatérielle d'une voix vibrant contre notre chair, ou d'une main à peine effleurant.

Un vrai chassé-croisé, donc. Le virtuel peut être lourd et le corporel infiniment léger !" 


* Publie.net, accompagné par le CNL, s'est lancé dans un nouveau projet intitulé "100 bibs, 50 epubs" qui consiste en "la mise à disposition d’un fonds de ressources numériques significatif de la création contemporaine, sous forme d’un pack de 50 epubs pris au catalogue publie.net, mis à disposition de médiathèques, bibliothèques départementales de prêt, bibliothèques de comité d’entreprise ou d’établissements scolaires (secondaire ou supérieur), lieux institutionnels du livre (festivals, centres de ressources), qui s’engageraient en retour à une évaluation concrète des expériences de médiation faites avec et autour de ces ressources".
Il se trouve que mon ouvrage Les Corpulents figure dans cette sélection.