Billets du lever

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Le fou criait sur la place

Présentation

"Le fou criait sur la place. Personne ne s'arrêtait pour l'écouter. C'est ainsi qu'il a eu la confirmation que ses thèses étaient irréfutables."
Dag Hammarskjöld

"Il naviguait à bord de la caravelle de Christophe Colomb, et il se demandait s'il serait de retour au village à temps pour prendre la succession du vieux cordonnier avant qu'un autre l'eût usurpée."

Dag Hammarskjöld

C'est une histoire de ricochets.
La semaine dernière, j'ai entendu parler sur France Culture, dans l'émission de François Noudelmann, du dernier livre de Carlo Ossola, aussitôt acheté pour compléter ma collection. Et dans ce petit volume, intitulé En pure perte, je découvre ce matin l'existence, la personnalité et la force de Dag Hammarskjöld (né en Suède, en 1905), secrétaire général des Nations Unies, qui parvint à maintenir ensemble mystique et politique, "non pas sur le mode aliénant de la domination des masses" dit Ossola, mais "dans le pur service et le don de soi", et qu'on situe parmi les "mystiques d'aujourd'hui" aux côtés de Simone Weil et Charles de Foucauld. "Mais cette mystique est une adhésion si complète à l'autre qu'elle en devient la première forme de la politique (c'est-à-dire de la vie dans la polis, dans la cité et pour la cité de l'homme). En ces jours où il était appelé aux plus hauts sommets, il notait : 'Il naviguait à bord de la caravelle de Christophe Colomb, et il se demandait s'il serait de retour au village à temps pour prendre la succession du vieux cordonnier avant qu'un autre l'eût usurpée'. Celui qui se tient sur le pont et assume le commandement est un véritable gubernator non pas simplement s'il pense à la conquête de l'Amérique, aux terres et aux pouvoirs à venir, mais à ceux qui jamais n'y mettront les pieds, qui ne comprendront même pas, pris dans le quotidien de leur vie, et du pain à gagner : le travail, la sueur, la poussière. La politique est projet, utopie, préparation du futur, elle ne consiste pas à agripper avec avidité le présent : 'Ne surveille pas chacun de tes pas : seul celui qui regarde au loin trouve le chemin'."
Ossola d'ajouter : "Le lire aujourd'hui, c'est s'offrir une citadelle vivante contre la désolation du présent, c'est porter haut la révolte de la conscience contre la misère morale qui opprime la polis et la politique : 'tunique ardente' de l'engagement."

Donc je m'apprête à lire Jalons, de Dag Hammarskjöld, et j'aimerais bien ne pas en revenir, ne jamais en revenir…