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LA CONTRAINTE DU PRISONNIER
Parler sans hampes ni jambages … une mine acérée crisse
On inventa récemment la contrainte du prisonnier. Son auteur est l’oulipien Paul Fournel, écrivain. « Disons que le manque de papier pousse le détenu à serrer les lignes autant que faire se peut, explique Fournel. Il n’utilise donc que les lettres qui ne « dépassent » pas (ni en haut ni en bas). Pour des raisons de commodité, on ne tiendra pas compte des accents et des points, pour des raisons de conjugaison on considérera que le z s’écrit bien z sans dépasser vers le bas. On pratiquera ainsi un lipogramme en 12 lettres. Par exemple : incarcérés nous écrivons sur une rame économisée au maximum, en consonnes menues… »
Comment, en effet, sur un tout petit morceau de papier, un trésor de la taille d’une vignette, pourrait-on écrire le plus de choses possible pour rendre compte de sa vie, dire son amour, ou simplement parler ? La contrainte du prisonnier permet d’écrire serré, si serré qu’on n’a que faire des lettres aux jambages encombrants. On ne garde que les mots qui peuvent s’écrire avec des lettres basses, basses comme le plafond d’une cellule. On jette donc les b, les d, les f, les g, bref tout ce qui dépasse. L’exercice devient une contrainte lipogrammatique en b,d,f,g,h,j,k,l,p,q,t,y. Jacques Bens, membre de l’Oulipo également, précise qu’elle est «moins difficile qu’on peut le croire, car elle conserve toutes les voyelles et les principales consonnes : c, m,n,r,s,x,z. »
En voici un exemple anonyme :
« nous communs amis, écrivons sans ennui une missive,
minime corvée, une mine acérée crisse sur un mince
écran où se ranime une scène ancienne ressassée en
nos souvenirs : ma main crasseuse aux veines mauves
caresse en vain, morne exercice, un sexe rasé, car
un crime commis en commun nous a associés en ce soir
où si sérieux nous conversions sur nos vies. nous nous
amusions à rêver sans raison sur un crâne scié : noire
caverne inversée où nous venions voir un vin corse
cramoisi comme une crinière de carnassier crevé.
Et puis, plus drôles, des vœux de nouvel an, respectant cette contrainte :
un an nouveau ? une vie nacrée ! amis sincères , amours sereines,
ni avanies ni avarice, envies vaseuses en mer écumeuse,
navire-mémoire en vous, au cœur, créer encore sans amnésie !
aux ans évanouis, aux ans à venir rêvons : vous, moi, nous,
unis !
(par Chantal Robillard)
Idéal pour celles et ceux qui n’ont jamais pu respecter les interlignes des cahiers réglés !
Je suis ravie de vous informer que mon nouveau site web est maintenant en ligne !
www.regine-detambel.com
J’espère que vous apprécierez cette nouvelle expérience de navigation.
Merci de votre attention et à très bientôt !
Chaleureusement,
Régine Detambel