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Quand l’animateur change, pour la bonne cause, la consigne en contrainte (“… que tout mot soit produit sous la sanction d’un tamis contraignant, sous la sommation d’un canon absolu”), il fait alors endosser à l’atelier un carcan formel qui lui fronce les sourcils et plisse le front. Quand les poètes se soumettaient aux règles du mètre et de la rime, ils adoptaient eux aussi une contrainte, qu’ils définissaient comme une “obligation librement choisie.” Pas une gêne, pas une restriction non consentie, non plus un empêchement.
Dans ses Cahiers, Paul Valéry confiait que, devant trop souvent écrire des choses dont il n’avait nulle envie, et l’esprit inerte devant elle, il s’imposait “les lettres initiales des phrases successives à faire comme pour un acrostiche”. Et en effet, ce que l’atelier remarque tout d’abord, c’est que la contrainte libère son imagination. Soudain conscient de ses gestes, de ses ruses et de ses esquives, l’atelier se “désidère” à mesure que la contrainte déplie ce qui était replié et lève en lui un autre continent à explorer, et qui n’en finit plus.
D’ordinaire, on part d’une idée pour aller au mot. Avec l’écriture sous contrainte, c’est l’inverse. Ce sont les mots qui sont fournis, mais filtrés et limités dès le départ. L’atelier doit les combiner de telle sorte qu’un sens “émerge quand même”.
“Une chose est claire avec la contrainte, dit Jacques Bens. Si elle est libératrice et créatrice, c’est qu’elle permet de sortir de sa routine personnelle. En se forçant à appliquer un certain nombre de règles, on peut écrire quelque chose qu’on n’aurait jamais eu l’idée, jamais pu écrire sans cela. Bon ou mauvais, vous ne l’auriez pas écrit. Si Claude Berge n’avait pas dit un jour à Perec : “Tiens, on a trouvé la solution du problème du bicarré latin orthogonal d’ordre 10 !”, Perec n’aurait probablement jamais écrit La Vie mode d’emploi qui est une œuvre majeure de la deuxième moitié du XXe siècle. En gros, la contrainte permet de sortir de soi, s’obliger à trouver des idées, changer le mode d’exploitation de ses idées. On a toujours le choix de dire oui ou non à ce qu’on a trouvé sous contrainte. Ce n’est pas préjudiciable à la liberté de création. Je peux dire ensuite si ça me plaît ou non.
Comme le souligne à son tour Harry Mathews, “il est important de comprendre que l’abondance et la sévérité vont de pair ; en réalité, c’est la sévérité même qui autorise l’abondance.”
Je suis ravie de vous informer que mon nouveau site web est maintenant en ligne !
www.regine-detambel.com
J’espère que vous apprécierez cette nouvelle expérience de navigation.
Merci de votre attention et à très bientôt !
Chaleureusement,
Régine Detambel