Un peu de théorie

Qui m’apprendra à écrire ?

Je suppose que c’est la page blanche qui apprend à écrire, sa blancheur à recouvrir opiniâtrement, « que tu détruis, ajoute Annie Dillard, mais en affirmant ta liberté et ton pouvoir d’agir, comprenant que tu détruis tout ce que tu touches, mais le touchant néanmoins parce que agir vaut mieux qu’être là dans l’opacité pure et simple. »

Je suppose que c’est la page noire qui apprend à écrire, la page noircie qu’on a tirée de la Bibliothèque, les livres des autres qui nous hypnotisent, nous envoûtent tellement, nous les « sans-parole », qu’ils finissent par introduire à l’intérieur de notre corps la langue.
Pascal Quignard est l’une de ces pages noires qui me donnent la langue puisque de lui j’ai obtenu ces phrases : « En supposant que nous comprenons le langage nous le comprenons » et aussi « Le don assidu contraint l’enfant à rendre à sa mère le don qu’elle lui a fait. Tout à coup il est investi ; tout à coup il parle. »
La lecture est une mère, l’écrivain que j’aime est une mère qui m’incorpore la langue écrite. Je ne dis pas que ce transfert et cette fascination vont sans peine, je dis pourtant que c’est la part magique indispensable à l’expérience de l’écriture.