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Après Les Corpulents, Blasons d'un corps masculin & Décousures, Publie.net propose un nouveau roman de Régine Detambel, disponible sur tous supports (version liseuse / tablette - ePub, etc.)
Présentation de l'éditeur
Martin bouillonne de vitalité. Ce qui est, selon sa mère, « la seule chose utile envers les gens qu’on aime, et même ceux qu’on n’aime pas ». Martin a douze ans. Son ami Seb vend des frelons, cité Mimosa, dans un appartement où on frappe les orangers pour qu'ils fleurissent.
« Je suis censé être Martin le Miséricordieux qui distribuait à tour de bras des moitiés de manteau » dit Martin. Et la mère de Martin laisse pousser ses ongles, comme un oursin. Elle dit « Pleurer c’est une corvée aussi lourde qu’une lessive, et qui vous trempe aussi ».
Ce pourrait être un sauvetage, mais qui sauve qui ? Et qui se sauve de quoi ? On monte en haut d'un toit pour décider d'y vivre, et c'est le décalage, entre la poésie ultime d'habiter sous le ciel, et les gestes triviaux, les ballons qui retombent, la pluie, l'ennui qui prend.
Ça ressemble à une fuite sans en être une. Peut-être une volonté de renaissance. Ou de remettre ensemble tout ce qui est éparpillé et fracassé, que cela forme quelque chose qui tienne, sans peur. Toucher les autres aussi. C'est un texte au présent, dans l'absurde et la rugosité du monde. Régine Detambel porte la bascule et le déséquilibre de Martin le Bouillant qui, lui, avance.
Et à nouveau le monde concret, l'attention aux êtres et à leur corps, d'une auteure essentielle d'aujourd'hui, Régine Detambel.
CJ
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Le livre est disponible ici en téléchargement.
On peut aussi en lire une présentation sur le site de la revue d'ici là.
On peut même en écouter un extrait, lu par l'auteur, sur France Culture.
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Extrait
Un soir je suis assis sur le lit dans ma chambre, c’est un soir important parce qu’il faut que je prenne une décision sinon ma mère avec ses idées croches va me jeter dehors. Tout à l’heure, en regardant ses ongles, elle a dit : « Ou tu te conduis correctement, et tu cesses de traîner avec des petits mafieux, ou tu débarrasses le plancher. »
Et je prends donc la décision d’être nickel, pour obéir à ma mère qui m’a pas appelé Martin pour rien. Je suis censé être Martin le Miséricordieux qui distribuait à tour de bras des moitiés de manteau. Pendant que je réfléchis à la meilleure manière de distribuer à tout va des demi-manteaux sans être chaque jour pompé, raplapla, rétamé, je suis distrait par un petit pain au chocolat. Je le considère amoureusement. Je regarde ses yeux qui coulent. Je me le farcis en une seule bouchée, les joues qui enflent, impossible de respirer, je le sens jusque dans mes oreilles, il prend son temps pour descendre, ce salaud de petit pain. Dans l’intervalle j’ai une idée. Je vais me faire tonsurer une étoile filante sur le sommet du crâne, et les gens de la cité Mimosa auront plus qu’à faire un voeu quand je passerai sous leurs fenêtres. Voilà pour la sainteté. Je l’annoncerai demain à ma mère. Maintenant je nourris mes guêpes dans leur cage de papier. La viande est si crue qu’elle est violette. Celui qui a inventé demain, quel con, on est si tranquille maintenant. J’éteins la lumière et je me couche tout habillé.
Le lendemain, quand je me réveille, ma mère chiale dans son sommeil. C’est comme ça depuis l’après-midi où mon père est parti avec sa valise, j’étais haut comme trois pommes à genoux, pas compris qu’il s’en allait.
« J’ai trouvé une piaule, je déménage, je te donnerai trois cents euros par mois pour le gamin. »
Quand j’étais encore tout petit, il venait me chercher le dimanche mais il entrait pas, il sonnait, il m’emmenait au cirque, je m’endormais avant les clowns, il me racontait, il m’achetait une glace, j’en faisais tomber la moitié, on rentrait à la cité Mimosa, il sonnait à nouveau, ma mère montrait son porte-monnaie vide. J’oublierai jamais comme il a dû s’ennuyer, mon père, quand on allait à la foire, parce qu’en ce temps-là les manèges me faisaient peur, le train fantôme me faisait peur, les montagnes russes me faisaient peur, je lui donnais la main tout le temps, je m’agrippais à lui, et j’ai honte d’avoir été aussi minable. Aucun sens des réalités. Il y avait mon père, il y avait des ballons, de la musique dans les haut-parleurs, des marchands de crêpes, une foule de gens sympas, et moi je chialais pour rentrer à la maison voir ma mère que je voyais tout le temps. L’ignoble petit con !
Ma mère est une femme très douce mais quand on voit ses ongles, on recule d’un bond. Elle les laisse pousser depuis maintenant cinq ans, depuis que les gens de l’ANPE l’ont menacée de nous couper les vivres si elle continuait à cumuler deux boulots, tout en pointant au chômage. Quand elle est retournée à l’ANPE avec ses ongles de vingt-huit centimètres, elle leur a dit : « Vous voyez bien que je travaille pas, je peux même pas ouvrir une porte, je peux même pas conduire une voiture, j’ai besoin d’aide pour lacer mes chaussures et c’est mon fils qui me lave les mains. »
Et elle est repartie en montrant le dos rond de son chagrin.
Bien sûr, les types de l’ANPE ont tout de suite cessé de l’emmerder, mais ils étaient quand même très excités. Ils imaginaient des trucs qu’elle pourrait leur faire avec ses ongles de tigresse. N’empêche, ils ont mis un coup de bistouri dans ses allocations, ils en ont coupé un gros bout, il leur ont émincé le foie et le coeur, et aussi tranché les jambes et les bras, couic, il reste huit cents euros pour nous faire vivre tous les deux. Complètement ratissés.
Son ongle le plus long mesure aujourd’hui quelque chose comme quarante centimètres, et il boucle comme une faveur sur un paquet cadeau. Je critique pas, loin de là, mais du coup le calcul est simple, ma mère m’a pas pris dans ses bras depuis l’âge de sept ans.
Babelio, 16 juin 2013.
"Un petit livre assez merveilleux - un ton qui ensoleille sans masquer.
La voix de Martin, le petit dealer armé de la franchise, du pragmatisme, de la générosité de sa mère, Martin et son regard sans illusion et fraternel, son regard sur les voisins, tous, uniques, les clodos, les estropiés, les charlatans, les mémères à chats.... eux tous qui affrontent la vie pas facile, Martin qui ne s'interdit pas la colère mais qui sait que l'important est de rire, de se débrouiller, de s'aider.
Martin qui pense poésie, sens à trouver, et surtout responsabilité, qui aime." (Brigetoun)
Extrait : Je vis parmi mes semblables — les clodos, les estropiés, les charlatans, les mémères à chats, Toni qui s’ennuie tellement qu’il appelle la police quatre-vingt-dix fois par jour pour tailler une bavette ; Michel, qui imite les singes, il a un corps de singe, l’énergie d’un singe, il m’a complètement fasciné ; Gertie qui a plus de permis pour une bête histoire de feu rouge, alors elle a rempli sa voiture de terre et elle l’a transformée en pot de fleurs ; Legazpi qui détient le record du rot le plus long ; Malik qui m’envoie chaque semaine acheter du bicarbonate pour cuisiner sa cocaïne devant un match de foot ; Jérémie qui a parcouru deux cent mille kilomètres sur son vélo d’appartement, cent bornes par jour depuis seize ans, cinq fois le tour de la Terre sans rien voir d’autre que son papier peint, et on va fêter ça dignement, parce que ce soir on monte tous chez lui, il y aura sa copine, énorme, d’une addiction à la mayonnaise, et leur chat, debout sur une guitare, qui grattera doucement les cordes ; l’instituteur et sa chienne kleptomane, qui piquait nos gommes sur les pupitres...
A retrouver sur www.babelio.com
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France Culture, Je déballe ma bibliothèque, 16 juillet 2013.
Régine Detambel lit Martin le Bouillant sur France Culture, par Roxane
Régine Detambel lit un extrait de son roman Martin le Bouillant, publié récemment sur publie.net, dans l’émission de Marie Richeux Je déballe ma bibliothèque, et nous livre ses réflexions et ses impressions sur le fait de lire son propre texte, sur ce fabuleux outil qu’est la voix, sur ce bouillant personnage qu’est Martin… et sur la bibliothérapie !
Lire ce n’est pas une activité de paresseux, c’est absolument une activité psychique et une activité physique et corporelle complète. Lire à haute voix, encore plus : on disait autrefois, d’un malade qui devait rester alité, qu’il n’avait qu’à lire à haute voix et que ce serait aussi bon pour lui qu’une promenade en forêt.
Grand plaisir d’entendre la voix d’un auteur lire son propre texte et de découvrir ses réflexions autour de la lecture… À noter que Régine Detambel fait un cycle de cinq lectures dans cette émission ; la première émission était consacrée à la lecture d’un extrait d’Une chambre à soi, de Virginia Woolf (que vous pourrez d’ailleurs retrouver sur publie.net dans la nouvelle traduction de Jean-Yves Cotté, Une pièce à soi).
Retrouvez Régine Detambel sur son site et tous ses livres parus chez publie.net ici-même. Bonne écoute et bonne lecture !
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Et toujours des blogs enthousiastes…
Voir particulièrement Dzahell…
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Je suis ravie de vous informer que mon nouveau site web est maintenant en ligne !
www.regine-detambel.com
J’espère que vous apprécierez cette nouvelle expérience de navigation.
Merci de votre attention et à très bientôt !
Chaleureusement,
Régine Detambel