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Dit par l'auteur
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Du côté de l'auteur
Le luxe et la chance de l'écrivaillon résident dans son peu d'épaisseur, presque son absence. Comme le moussaillon ou le novice, il ne fait pas le poids, il est seulement quelqu'un qui se met à écrire. L'enfance de l'écriture. À l'abri de sa petite taille et de sa jeunesse, il explore les territoires du livre, il s'initie à la description, il entame une collection de citations, et surtout, il apprend, il imite, il regarde, il rêve ses premières histoires, il a peur de ses lignes, il craint qu'on puisse l'y reconnaître. Éternel débutant, il commence des romans qu'il n'achèvera jamais.
Comme tous les créateurs, l'écrivaillon souffre de ce qu'il invente. Un temps pour l'angoisse, un temps pour l'écriture, un temps pour l'angoisse de l'écriture, peut-être la page se découpe-t-elle ainsi, du jour où l'on découvre la fureur incorrigible d'exister dans un livre.
L'écrivaillon est le livre de chevet de nombreux participants aux ateliers d'écriture. Il m'a permis de communiquer mon expérience adolescente, ma frayeur devant ma propre écriture, peu à peu apprivoisée. L'écrivaillon dit comment un atelier d’écriture est une expérimentation des formes et des forces littéraires. Il rappelle que la langue de l’écrivain est un matériau résistant. Il enseigne donc que l’écriture n’est pas la transcription ou la traduction de l’histoire qu’on a dans la tête, mais que le texte se modèle comme une sculpture à la fois plastique et rebelle… On n’écrit pas avec des idées, on écrit avec des mots !
Ecrire
est
sans
doute
nécessaire
à
certaines
périodes
de
la
vie.
Quand
la
vie
blesse,
quand
les
mots
blessent,
ne
pas
rester
passif,
mais
être
acteur.
L'écriture de soi permet
d’être
actif,
d’exprimer
sa
colère
active,
de
faire
d’un
mauvais
moment
une
chose
féconde,
qui
donne
de
l’énergie.
Quand
on
a
appris
à
lire
et
à
écrire
le
plus
profond
de
soi,
on
a
un
outil
en
main.
De
plus,
écrire
est
toujours
indispensable
à
un
lecteur.
Ecrire
forme
un
lecteur
à
la
lecture.
Tant
qu’il
n’a
pas
fait
lui‐même
l’expérience
de
l’écriture
de
fiction,
le
lecteur
croit
généralement
à
l’inspiration,
au
don,
au
gratuit.
Et
soudain
là
il
va
découvrir
les
ratures,
les
corrections,
les
rajouts,
les
suppressions,
les
permutations,
les
déplacements
dans
la
phrase.
Il
va
enfin
comprendre
à
quoi
sert
la
grammaire,
comment
elle
véhicule
la
logique et les gestes du corps.
Du
coup
il
a
une
autre
idée
du
monde,
de
lui‐même
et
de
ses
capacités.
Et
surtout
de
sa
propre
action,
de
sa
propre
pesée
sur
son
avenir.
Sans
compter
que
le
duende
peut
le
toucher
un
jour,
au
détour
d’une
phrase
et
lui
faire
comprendre
combien
l’écriture
est
physique,
combien
elle
touche
les
sens,
combien
elle
touche
à
la
douleur
et
à
la
mort.
Il
comprend
et
expérimente
qu’avant
d’être
une
institution,
un
patrimoine,
une
source
de
plaisir
ou
un
sujet
d’examen,
l’art
quel
qu’il
soit
est
d’abord
une
activité,
une
action
consommant
de
l’énergie,
une
activité
affrontée
à
des
matériaux
physiques
et
nécessitant
un
savoir‐faire
qui
s’apprend.
La
poïétique
lui
révèle
alors
le
côté
concret
de
la
littérature.
L'écrivaillon rappelle
une
autre
fonction
de
la
littérature
(si
l’on
admet
toutefois
qu’elle
peut
être
fonctionnelle
!)
:
donner
du
plaisir,
sublimer
en
s’évadant
par
le
haut,
rassurer,
épanouir,
échanger,
symboliser,
etc.,
certes,
mais
il
y
a
aussi
la
fonction
de
suppléance.
Enfant,
on
voulait
être
explorateur,
médecin,
spationaute,
sculpteur
et
photographe
et
puis
on
n’a
pas
eu
le
temps
et
on
est
ce
qu’on
est,
pas
forcément
des
ratés
d’ailleurs
!
Parce
qu’il
y
a
tout
l’élan
vital
dans
une
image
littéraire,
la
littérature
sera
là,
tout
au
long
de
notre
existence,
pour
donner
vie
à
nos
occasions
manquées
!
Créer est au commencement d’une vie nouvelle, créer est ce commencement lui-même, événement générateur et généreux, vital et vivifiant, permettant de vivre plus intensément. Créer permet au créateur de vivre au-delà de ce que la vie a la possibilité de le faire vivre. Créer lui donne aussi d’éprouver plus de choses que ce que la vie a la possibilité de lui faire éprouver. Les créateurs réussissent momentanément à faire face à la douleur causée par le désespoir, la peur ou la perte, en décidant de donner vie à quelque chose qui n’existait pas auparavant — quelque chose qui sans eux n’aurait pu avoir lieu.
Chantal Thomas, La Forteresse de phrases. Sur l'œuvre romanesque de Régine Detambel, Revue Critique n°618, Minuit, 1998.
Je suis ravie de vous informer que mon nouveau site web est maintenant en ligne !
www.regine-detambel.com
J’espère que vous apprécierez cette nouvelle expérience de navigation.
Merci de votre attention et à très bientôt !
Chaleureusement,
Régine Detambel