Collège / Lycée

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La Comédie des mots
Régine Detambel
La Comédie des mots
Gallimard Jeunesse
Hors Série Littérature

Date de parution : 2004
ISBN : 2070558061
Format : 14 x 22,5 cm
240 pages

11 €
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Présentation

L'avis de l'éditeur
Comment réaliser vous-même vos lettres d'amour et vos poèmes inoubliables ? Clouer le bec de vos ennemis d'une cinglante épigramme ?
Se jouer des mots entre la poire et le fromage ? Bref, savoir ce que parler veut dire ?
Du préfet Poubelle, qui donna son nom à l'ustensile, jusqu'à l'énigmatique palindrome, La Comédie des mots explore en se jouant le monde humoristique des anagrammes et des plagiaires, de l'argot, des virelangues et de l'Académie française. On y trouve des quatrains pour répondeur téléphonique, la correspondance rose de George Sand et Alfred de Musset, mais aussi du verlan, des calembours... et même la véritable histoire du mot de Cambronne !

Ce volume rassemble les chroniques de Régine Detambel parues dans La Gazette de Montpellier. L’auteur y a tenu une rubrique hebdomadaire pendant dix années. Les premiers textes ont déjà été publiés dans la collection "Pages blanches" en 1997, suivis de La Nouvelle comédie des mots en 1999. De courts articles pour tous les amoureux de mots, du calembour à l’origine de la boucle d’oreille, du palindrome à l’Oulipo, en passant par l’histoire du mot migraine, bref un florilège savoureux et passionnant. Loin des dictionnaires et des ouvrages de classes, Régine Detambel nous invite plutôt à savourer, au quotidien, les expressions et le figures de styles, pour mieux jouer avec elles et surtout savoir en rire.
Nouvelle édition augmentée de La Comédie des mots (1997) et de La nouvelle Comédie des mots (1999), sous couv. illustrée par Christine Destours



Table des matières

LA COMÉDIE DES POÈTES, DES ÉPISTOLIERS ET DES PLAGIAIRES
Palindrome
Oulipo
Lettres modèles
Parodies
Tautogramme
Epigramme
Anagramme à tic !
Alexandrin
Acrostiche
Rhétorique
Bons baisers de Georges Perec
Au voleur !
Un peu d’adresse

LA COMÉDIE DE L’HUMOUR, DES CALEMBOURS ET DES FOUS LITTÉRAIRES
Un pour tous et vingt-cinq pour cent !
Finissez vos phrases
Occupé !
Et les Shadoks pompaient
Faux et usage de faux
Si t’es gai, ris donc !
Il ne faut pas poéter plus haut que son luth
Nuances
La suite au prochain numéro
Virelangues
Par devant et par derrière
Histoire de l’art
Au sujet du bac

LA COMÉDIE DE L’ACCENT CIRCONFLEXE, DU SUBJONCTIF ET DE L’ESPERLUETTE
Imparfait du subjonctif
La dictée de Mérimée
Suspense
Chapeau !
Coquilles
Esperluette
Demain, sans faute !
Petite histoire du Z

LA COMÉDIE DU PRIX GONCOURT, DE L’ACADÉMIE FRANÇAISE ET DE LA CENSURE
Défense et illustration du certif’
Dernières paroles
Epitaphes
La cigale ayant chanté…
Censure
Prix Goncourt
Larousse et les femmes
L’Acadéfraise
Tristan Bernard

LA COMÉDIE DU LATIN, DES NOMS BIZARRES ET DES MOTS INVENTÉS
Champagne !
Titres
Mnémotechnie
Schtroumpf
A peu près
Bibendum
Bouillons de culture
Les forgeurs de mots
Nom de nom !
Nous parlons latin
Les racines des jours
L’amiral des mots
Victoire de la musique
Devisons gaiement

LA COMÉDIE DE LA GRÈVE, DES COUPS BAS ET DES BOUCHONS DE CARAFE
Tirer les marrons du feu
La paille et le grain
En grève !
Chat en poche
Coups bas
Echec au roi
Ça sent le bouchon
A poil !
Dans l’os
La beauté des laids

LA COMÉDIE DE CAMBRONNE, DU VERLAN ET DU POLITIQUEMENT CORRECT
Politically correct
Laisse béton
L’argot
Cool Raoul
Onomatopées
Petit lexique des bahuts
La tchatche
Le mot de Cambronne
La star Picasso
Le commentaire sportif
Tous les Acadiens, toutes les Acadiennes



Extraits

UN POUR TOUS ET VINGT-CINQ POUR CENT
Vous prendrez bien encore quelques devises, des joliment sonnantes et des trébuchantes. Les devises ne sont pas toutes hautement historiques et quelques-unes valent le détour pour rire un peu. Alors devisons gaiement ! Commençons par la devise de Courteline, qui était simple, claire et carrée : Je m'en fous ! Il adopta, plus tard, une autre formule : Et puis après ! Sarah Bernhardt avait choisi ces deux mots : Quand même ! Victor Hugo avait fait court et modeste : Ego Hugo . Prosper Mérimée, moins sûr de lui, se disait : Souviens-toi de te méfier ! Quant au pessimiste Barbey d'Aurevilly, il pensait : Trop tard !
Parmi les devises les plus marquantes et les plus belles se trouve le fameux Que sais-je ? de Montaigne. Citius, Altius, Fortius (Plus loin, plus haut, plus vaillamment) est la devise des Jeux Olympiques et ne doit rien à l’athlétique baron Pierre de Coubertin. Elle est du Révérend Père Didon. De Coubertin se contenta de citer.
La devise de L'Os à Moelle, organe des membres du Parti d'en rire, fondé par Pierre Dac, était Un pour tous et vingt-cinq pour cent. Quant au ténor Capoul, du Capitole de Toulouse, son mot c'était Couac ! Parmi les jolies femmes, la Duchesse de Berry, fille du Régent, qui n'aimait pas s'ennuyer, avait opté pour Courte mais bonne ! Un peu plus tard, Berthe Cerny, comédienne et maîtresse d'Aristide Briand ( Cerny a les yeux Briand mais Briand a les yeux Cerny ! disaient les potins parisiens) choisit l'extraordinaire Aimez-moi les uns les autres !



FINISSEZ VOS PHRASES
 S’il y a une comédie des mots, il y a une comédie du langage et Jean Tardieu en fut l’exceptionnel dramaturge. Dans Finissez vos phrases, il caricature notre tendance à laisser nos phrases en suspens, les ponctuer d’un bref ou d’un etc., sans nous donner la peine de les conclure, au grand désespoir de notre interlocuteur qui peut finir par perdre patience. Et pourtant, même en ne finissant pas nos phrases, nous nous faisons comprendre. La preuve, cette belle histoire d’amour.
Monsieur A et Mme B se rencontrent devant un café:
Monsieur A, avec chaleur : Oh ! Chère amie. Quelle chance de vous…
Monsieur A : Comment allez-vous, depuis que ? …
Madame B, très naturelle : Depuis que ? Eh ! Bien ! J’ai continué, vous savez, j’ai continué à …
Monsieur A : Comme c’est!… Enfin, oui vraiment, je trouve que c’est… Madame B, modeste : Oh, n’exagérons rien ! C’est seulement, c’est uniquement… Je veux dire : ce n’est pas tellement, tellement…
A la fin de la comédie, les amours vont plutôt bien.
Monsieur A, très amoureux : Chère, chère. Puis-je vous : chérie ? Madame B : Si tu …
Monsieur A, avec un emportement juvénile : Mais alors ! N’attendons pas ma ! Partons sans ! Allons à ! Allons au !
Les taciturnes et autres laconiques, les paresseux de l’expression en général n’ont plus de soucis à se faire. Ce Tardieu, hein ? Que de ! Que de ! Voilà, c’est tout pour.



OCCUPÉ !
Quand, durant tout un jour, il est tombé de la pluie, de la neige, de la grêle et du verglas, on est tranquille… Parce que, à part ça, qu'est-ce que vous voulez qui tombe ?… Oui, je sais, mais enfin c'est rare ! disait Pierre Dac. Les graffitti d'écrivains, les inscriptions relevées dans des toilettes célèbres, ne sont pas rares et tous, même les auteurs les plus exigeants, les plus gracieux, les plus précieux, y sont allés de leur distique ou de leur quatrain. L'exquis Brillat-Savarin, auteur de la superfine Physiologie du goût, traça :
Ici viennent tomber en ruines
Les chefs d'oeuvre de la cuisine.


Stéphane Mallarmé, le faiseur d'aboli bibelot d'inanité sonore , grava cet inoubliable quatrain :
Toi qui soulages ta tripe
Tu peux dans cet antre obscur
Chanter ou fumer la pipe
Sans mettre tes doigts au mur.


Alfred de Musset donna cette perle :
Vous qui venez ici, dans une humble posture,
Et déposé dans l'urne un modeste cadeau,
Epancher dans l'amphore un courant d'onde pure
Et, sur l'autel fumant, placer pour chapiteau
Le couvercle arrondi dont l'auguste jointure
Aux parfums indiscrets doit servir de tombeau.


Vous pouvez commencer votre collection et relever, carnet à la main, les meilleurs graffitti des toilettes de café, mais notez toujours ce quatrain de Tristan Bernard :
Cambronne — on y songe avec peine —
Ne se fut pas montré bien français :
En criant aux Anglais le mot qui porte veine,
C’était fatalement assurer leur succès.




ET LES SHADOKS POMPAIENT
C’était il y a très très très longtemps. Peut-être même en 1968. En ce temps-là, il y avait le ciel. A droite du ciel, il y avait la planète Gibi. A gauche du ciel, il y avait la planète Shadok. Pour les Gibis, il n’y avait pas de problème. Ils avaient une fusée très perfectionnée avec plusieurs étages. Les Shadoks, eux aussi, avaient construit une fusée. Mais, hélas ! les malheureuses bêtes n’avaient pas de connaissances spéciales en astronautique. D’ailleurs elles n’avaient pas tellement de connaissances spéciales. Parlons-en des connaissances des Shadoks, voici leur encyclopédie complète. La langue shadok comprend 4 mots : GA, BU, ZO, MEU.
En mathématiques, il y a 4 chiffres : GA, correspondant à zéro, BU, correspondant à 1, ZO correspondant à 2 et enfin MEU correspondant à 3. En musique, on constatera que la gamme shadok est tétratonale et comprend les 4 notes suivantes : GA, BU, ZO, MEU. La philosophie shadok est sans doute la discipline la plus riche. En voici le principe fondamental : Je pompe donc je suis. Presque aussi profond, le fameux : Il vaut mieux pomper d’arrache-pied même s’il ne se passe rien que de risquer qu’il se passe quelque chose de pire en ne pompant pas. L’excellent On n’est jamais aussi bien battu que par soi-même va loin. Quant au règlement de la Marine Shadok, inscrit en lettre d’or sur le gaillard d’avant de la Shadokkaravelle, il se médite longuement :
Pour qu’il y ait le moins de mécontents possible, il faut toujours taper sur les mêmes.
Dans la marine, on ne fait pas grand-chose mais on le fait de bonne heure.
Dans la marine, il faut saluer tout ce qui bouge et peindre le reste.



FAUX ET USAGE DE FAUX
Alexandre Vialatte, écrivain considérable, fut le spécialiste incontesté des faux proverbes bantous et katangais, comme le politique Qui sème le casque bleu récolte la tempête, le machiavélien Quand le marigot zigzague, le caïman doit zigzaguer aussi, le sage Si tu ne digères pas la soutane, évite de manger le missionnaire ou encore le gourmand Il n’y a pas de bas morceaux dans le gros ethnographe.
Alphonse Allais, lui, inventa le jeu des fausses phrases historiques : Enchanté ! (Merlin), Les Montagnards sont là (Robespierre), On est prié de ne pas claquer l’apôtre (Saint-Pierre). Pierre Desproges reprit le flambeau : Fais gaffe au vase de Soissons, il est consigné (Josette Clovis).
Pierre Dac avait également enrichi ce dictionnaire des citations avec, notamment, L’amour de soi développe le sens de l’individu et encourage le travail manuel (Narcisse).
Mais l’Aigle des Mots fut, dit-on, Alexandre Breffort, auteur d’articles célèbres du Canard Enchaîné. On lui doit notamment ces trouvailles : Ca commence bien ! (Dieu), Un vent de fronde a soufflé ce matin (Goliath), Ne coupez pas ! (Abélard), J’avais pourtant quelque chose dans le buffet (Henri II), J’avais pourtant quelque chose dans le buffet (Henri III) ou encore Tout le monde descend ! (Darwin).
Breffort signa également : Lorsqu’il créa le monde, Dieu fit une énorme boulette, ce à quoi Alphonse Allais aurait sans doute aimé répondre If it’s not true, it’s well found (Sir Cordon Sonnett) !



SI T’ES GAI, RIS DONC !
Le calembour est un jeu de mots qui a fort mauvaise presse. Le calembour est la fiente de l’esprit qui vole, a dit Hugo. Il est rare que le calembour s’élève jusqu’au bon mot ; en général, on l’a nommé avec raison l’esprit de ceux qui n’en ont pas, renchérit Ourry. Il est fondé sur une équivoque et une homophonie parfois approximative. On a coutume de citer comme premier calembour : Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise. Willy, premier mari de Colette et critique musical, écrivit sous forme de calembour un compte-rendu de l’échec de l’exécution de la Marche Slave de TchaÏkovsky : Je cronstadt que cette moujik a ramassé une verste : il n’y a caviar le public. De Jules Renard : Le ver à soie file un mauvais cocon.
Aujourd’hui, pas une pub (Shell que j’aime, Chat, alors !) qui n’utilise le calembour, pas une enseigne (Le Persil Fleur, Diminu’Tifs) qui n’en abuse. Idem pour les gros titres des journaux, vrais concours de calembours. L’écrivain Antoine Blondin suivit le Tour de France pendant des années et offrit à L’Equipe des articles intitulés Il n’est Peyresourde que celui qui ne veut pas entendre..., Le col tue lentement, La patrie est en Angers, etc.
Alexandre Breffort, du Canard Enchaîné, pondit des merveilles de ce genre : Un homme se penche sur son basset, Ton corps est tatoué, Ôte-toi de là que je m’humecte. Jean-Paul Grousset, auteur de Si t’es gai, ris donc ! avait imaginé des calembours pour toutes les situations.
Au Club Med : Chassez le naturiste, il revient au bungalow, au Sahara : Ciel, mon méhari !, A la boxe : Mais vous pleurez, mi-lourd.... Pour un chagrin d’amour : Un seul hêtre vous manque et tout est des peupliers. Et Grousset d’ajouter : C’est beau, mais c’est twist !



IL NE FAUT PAS POÉTER PLUS HAUT QUE SON LUTH
Tous les poètes, emportés par leur élan, ont commis des vers ridicules. Plus exactement, ils ont commis des vers d’une telle richesse homophonique qu’une lecture à haute voix a pu leur donner plusieurs sens. Ainsi ce vers illustre tiré de Polyeucte : Plus le désir s’accroît, plus l’effet se recule, qui fit rire des générations de lycéens. Ou encore, dans La Mort de Pompée (1644) : Car c’est ne pas régner d’être deux à régner !
Dans la première version d’Horace figurait ce vers : Je suis Romaine, hélas ! puisque mon époux l’est !
Ce poulet fit tellement rire le public que Corneille modifia son alexandrin en 1656.

On écrivit aussi ces vers inoubliables :
Je sortirai du camp, mais quel que soit mon sort
J’aurai montré du moins comme un vieillard en sort.


On commit ces trois alexandrins vraiment maladroits :
J’habite à la montagne et j’aime à la vallée…
Mon père, en ma prison, seul à manger m’apporte…
Le roi Louis s’avance avec vingt mille francs...


Victor Hugo, lui-même, s’oublia, dans La Légende des Siècles, et traça : Le Roi de Perse habite, inquiet, redouté... On ne sait plus d’où vient ce vers d’anthologie : Quoi ! Je ne t’ai point dit quelle était ma querelle?
Au XVIIIe, l’abbé Pellegrin, médiocre dramaturge, se faisait remarquer également par la pauvreté de son habit. Lors de la première de son opéra Loth, alors que le comédien s’écriait : L’amour a vaincu Loth !, un spectateur conseilla : Qu’il en donne une à l’auteur !



NUANCES
La Seine déborde ... c’est une crue ! Mon verre déborde ... c’est une cuite ! Nuances ! écrivait le chansonnier René Dorin.
Et des nuances, il y en a ... sur tous les tons.
Un grand esprit lorgnait une jeune demi-mondaine qui lui dit, agacée : Allez-vous cesser, monsieur, de me considérer ainsi ? Et le grand esprit de répondre : Sachez, madame, que je vous regarde mais ne vous considère pas.
Après les nuances misogynes, les bourgeoises. Balzac disait : La brute se couvre, le sot ou le riche se pare, l’homme élégant s’habille. De la même veine et d’Armand Silvestre : Un fort de la halle sue; un homme comme il faut transpire; une jolie femme perle.
Le général de Gaulle mesurait 1,94 m. Quelqu’un qui le dépassait de quelques centimètres lui dit : Je suis plus grand que vous, mon général ! Et de Gaulle de répondre : Plus grand avez-vous dit ? Vous êtes simplement plus long ! Nuance !
L’anecdote qui suit est merveilleuse de précision et de probité intellectuelle. On raconte que Littré, célèbre lexicographe, auteur d’un renommé dictionnaire, s’adonnait aux amours ancillaires. Un jour, Madame Littré découvrit son mari couché avec la bonne. Oh ! Comme je suis surprise ! s’écria-t-elle. Erreur, madame ! Vous êtes étonnée, c’est nous qui sommes surpris ! rétorqua son puriste époux. Nuance !
Autrefois je vous disais tout, maintenant je ne vous cache rien, écrivait Beaumarchais. Nuance !
Alexandre Dumas n’aimait pas les nuances. A une dame qui lui demandait la différence entre l’amitié et l’amour, il répondit nettement : C’est le jour et la nuit !